Les « commissaires aux comptes »*1 et les auditeurs dans les associations, quelles articulations et conséquences ? En règle générale, les associations auxquelles nous adhérons nomment ou élisent un organe de contrôle désigné sous le vocable de « commissaire aux comptes », parmi les membres de cette association. L’Acte uniforme de l’OHADA relatif au système comptable des entités à but non lucratif, en abrégé « SYCEBNL » prévoit,*2 lorsqu’un certain nombre de seuils sont atteints, la désignation obligatoire d’un auditeur. L’article 20 de l’Acte uniforme précise que l’auditeur est choisi par les membres de l’entité à but non lucratif parmi les experts-comptables inscrits au tableau de l’ordre des experts-comptables ou de l’organe qui en tient lieu dans chaque État partie. En Côte d’Ivoire, l’Ordonnance n° 2024-368 du 12 juin 2024 relative à l'Organisation de la Société civile (« Loi ») régit les Organisations de la Société Civile dont les associations. Cette loi prévoit à son article 26 que l'OSC est dotée d'un organe délibérant, d’un organe exécutif et d’un organe de contrôle sans préciser qui compose cet organe de contrôle. L’article indique plutôt que les statuts et règlement intérieur déterminent le mode de fonctionnement de l'OSC. Ainsi, il revient aux statuts et au règlement intérieur de prévoir la désignation, le fonctionnement, les droits et obligations de l’organe de contrôle. La question est alors de savoir si d’une part, cet organe de contrôle exprime une opinion sur les états financiers annuels, et d’autre part, en présence d’un auditeur désigné en application des dispositions de l’Acte uniforme, quel organe est habilité à exprimer une opinion sur les états financiers. Plus loin, l’Ordonnance prévoit des dispositions spécifiques en ce qui concerne l’organe de contrôle uniquement pour les fondations reconnues d’utilité publique et les fondations d’entreprise. En effet, l’article 110 de l’Ordonnance dispose qu’à la création de la fondation reconnue d'utilité publique, le Conseil d'administration ou de Surveillance de la fondation est tenu de désigner un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant, inscrits au tableau de l'Ordre des experts comptables de Côte d'ivoire. Quant à l’article 125 de l’ordonnance, il prévoit la nomination d’un commissaire aux comptes titulaire et un commissaire aux comptes suppléant, inscrits au tableau de l'Ordre des experts comptables de Côte d'Ivoire. Les commissaires aux comptes sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois. Le commissaire aux comptes est chargé de vérifier la régularité des comptes et la conformité des actes de la fondation. Il peut se faire communiquer tous documents et toutes informations qu'il estime utiles ou nécessaires à l'exercice de sa mission. Le commissaire aux comptes présente au Conseil de surveillance ou au Conseil d'administration les rapports et résultats de ses travaux. Il peut demander au Conseil de surveillance ou au Conseil d'administration d'en délibérer. Il assiste à la réunion. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- *1 Le terme « commissaire aux comptes » est un terme usité dans les associations et qui renvoie à l’organe de contrôle de l’association. Nous l’employons comme tel dans la suite de l’article pour désigner l’organe de contrôle de l’association. Partant, nous analyserons la situation de l’association qui désigne un « commissaire aux comptes » en application de ses statuts et règlement intérieur avec ou sans la désignation d’un auditeur en application de la loi ou volontairement. L’association a désigné un « commissaire aux comptes » et n’a pas désigné d’auditeur C’est la situation de l’association qui a, en application de ses statuts et règlement intérieur, désigné parmi ses membres un « commissaire aux comptes » mais qui n’est pas tenu de désigner un auditeur ou qui n’a pas volontairement désigné un auditeur. Dans ces conditions, ce « commissaire aux comptes » ne pourra pas exprimer une opinion sur les états financiers. Il sera tout au plus, un auditeur interne. Le rôle de l’auditeur interne consiste à vérifier l’exactitude des informations, organisationnelles ou financières, fournies aux dirigeants de l’organisation. Objectif et indépendant, l’auditeur interne aide l’organisation à atteindre ses objectifs en évaluant méthodiquement et systématiquement sa gestion des risques, ses procédures de contrôle et sa gouvernance. Il n’est cependant pas dans ses attributions d’exprimer une opinion motivée sur les états financiers à l’issue d’un audit financier qu’il aura diligenté. En Côte d’Ivoire et plus généralement dans tous les pays de l’espace OHADA disposant d’un Ordre*3 des professionnels comptables, seuls*4 les experts comptables régulièrement inscrits à ces ordres, peuvent effectuer des audits comptables et financiers et certifier*5 la régularité et la sincérité des états financiers. A titre de rappel, des sanctions pénales sont prévues pour : quiconque se livre sciemment à des opérations réservées aux experts comptables sans réunir les conditions exigées pour l’exercice de la profession d’expert-comptable. La sanction est une peine d’emprisonnement d’un à deux ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de FCFA ; les dirigeants d’entités à but non lucratif qui n’ont pas provoqué la désignation de l’auditeur de l’entité ou ne l’ont pas convoqué à l’assemblée générale ou à la réunion de l’instance qui en tient lieu statuant sur les comptes de l’entité. Nous recommandons à ces associations de désigner volontairement un expert-comptable régulièrement inscrit à l’Ordre si elles envisagent de faire exprimer une opinion sur leurs états financiers dont l’établissement est désormais rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2024. L’association a désigné un « commissaire aux comptes » et un auditeur C’est la situation de l’association qui a, en application de ses statuts et règlement intérieur, désigné parmi ses membres un « commissaire aux comptes » ou qui a désigné un auditeur volontairement ou en application de la loi. Seul l’auditeur pourra exprimer une opinion sur les états financiers annuels de l’association. Tout au plus, le « commissaire aux comptes » pourra rendre compte à l’organe de direction de l’association les résultats de ses investigations, lesquelles investigations ne sauraient être assimilées à un audit comptable et financier au sens normes professionnelles régissant la profession comptable dans l’OHADA. ------------------------------------------------------------------------------------------------------- Le « commissaire aux comptes » désigné est lui-même expert-comptable C’est la situation qui se rencontre généralement dans les ordres professionnels des experts comptables qui désignent un « commissaire aux comptes ». La Loi prévoit en son article 31 que « toutes les OSC disposent d'un manuel de procédures administrative, financière et comptable approuvé par l'organe délibérant. Ce document, censé garantir la bonne gouvernance, est mis à la disposition des membres de l’OSC, des organes de contrôle et des auditeurs externes ». Cet article est compris dans le chapitre 2 Organisation et fonctionnement des OSC de la Loi. Il fait de l’organe de contrôle une structure de fonctionnement de l’OSC et par conséquent, le « commissaire aux comptes » ainsi élu (ou désigné) n’est pas un organe externe susceptible de réaliser un audit externe en vue d’exprimer une opinion sur les états financiers de l’association. Au-delà de la question d’indépendance que cette situation peut poser pour l’expert-comptable régulièrement inscrit auprès de l’Ordre, désigné commissaire aux comptes de l’Association, les attributions de cette fonction ne consistent pas à réaliser un audit externe, comme indiqué ci-dessus. Tout au plus, il ne pourra rendre compte à l’organe de direction de l’association les résultats de ses investigations, lesquelles investigations ne sauraient être assimilées à un audit comptable et financier. Responsabilité de l’auditeur En sa qualité d’expert-comptable, l’auditeur est soumis aux dispositions du Code d’éthique des professionnels de la comptabilité et de l’audit édicté par le Règlement N°01/2017/CM/OHADA portant harmonisation des pratiques des professionnels de la comptabilité et de l’audit dans les pays membres de l’OHADA, en particulier, les règles d’éthique et d’indépendance. Même si l’Acte uniforme ne le prévoit pas explicitement, l’auditeur, investi d’une mission légale, et ses collaborateurs sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sauf des cas expressément prévus par la loi en application des dispositions professionnelles, statutaires, légales et réglementaires qui régissent les professionnels de la comptabilité et de l’audit dans les pays membres de l’OHADA.
*2 Article 19 de l’Acte uniforme. Toute entité à but non lucratif est tenue de désigner au moins un auditeur lorsqu’elle remplit, à la clôture de l’exercice, l’un des trois critères suivants : 1) un total du bilan supérieur à cent millions (100.000.000) de francs CFA ou l’équivalent dans l'unité monétaire ayant cours légal dans l’État partie ; 2) des ressources annuelles supérieures à deux cent millions (200.000.000) de francs CFA ou l’équivalent dans l'unité monétaire ayant cours légal dans l’État partie ; 3) un effectif permanent supérieur à vingt (20) personnes. Pour les autres entités à but non lucratif ne remplissant pas ces critères, la nomination de l’auditeur est facultative. Elle peut toutefois être demandée en justice par au moins dix-pour-cent (10%) des membres de l’entité.
*3 En Côte d’Ivoire, il s’agit de l’Ordre des Experts Comptables de Côte d’Ivoire. Dans la plupart des autres pays de l’OHADA, il s’agit des ONECCA (Ordre National des Experts Comptables et Comptables Agréés).
*4 Article 3 de l’Ordonnance n°2009-387 du 1er décembre 2009 organisant la profession d’Expert-comptable et Instituant l’ordre des experts comptables
*5 Lire « exprimer une opinion sur les états financiers »